samedi 19 février 2022

Edward Said

Edward Saïd était un idéologue médiocre qui ne connaissait pas grand chose du Moyen-Orient. C'est un spécialiste de la littérature anglaise. Bien qu'il parlait le dialecte arabe palestinien de sa famille, il n'a jamais maîtrisé l'arabe formel et en raison de l'héritage chrétien de sa famille (ainsi du fait que sa famille était riche et pas du tout représentatif de l'Arabe moyen), il connaissait assez mal l'islam et la mentalité dominante de la région.

Son livre contenait de nombreuses affirmations délirantes comme le fait que les portugais avaient colonisé le Japon mais en plus, sa thèse principale est fausse. Robert Irwin un universitaire d'extrême gauche, converti à l'islam, a écrit un livre entier pour détruire Saïd: Dangerous Knowledge: Orientalism and Its Discontents  Irwin montre que nombre des «orientalistes» qu'il a examinés dans son livre n'étaient pas des serviteurs de l'impérialisme occidental mais plutôt ses opposants et que beaucoup d'entre eux traitaient la culture de l'islam avec respect. L'étude de l'islam était dominée au XIXe siècle par les « orientalistes » allemands - qui n'étaient associés à aucun projet impérial au Moyen-Orient. (En réalité, l'islam tel pratiqué aujourd'hui a été grandement influencé par ces orientalistes allemands: https://threadreaderapp.com/thread/1481656842853904389.html Mais c'est un autre sujet). 

La défense des partisans de Saïd (je pense à l'historienne Maya Jessoff) peut se résumer comme cela: certes, Saïd s'est trompé sur de nombreux faits mais de nombreux théoriciens importants se sont trompés sur tels ou tels faits. L'essentiel est précisément la discussion que Saïd a provoquée. Le problème c'est que non seulement Saïd racontait n'importe quoi d'un point de vue des faits mais d'un point de vue théorique, c'est encore pire. Sa " théorie" contient de nombreux problèmes: le premier problème est la tendance de Saïd à voir toute déclaration critique sur «l'autre» comme raciste sans savoir si elle a ou non un fondement. Dans les vingt premières pages, la tendance est déjà claire. Saïd cite des déclarations "racistes", par exemple la déclaration du commissaire britannique en Egypte, Lord Cromer, selon laquelle les Egyptiens sont caractérisés par un manque de sincérité lorsqu'ils négocient avec les autorités. Said ne prend pas la peine de vérifier dans quelle mesure ces déclarations reflètent une réalité égyptienne. Que s'est-il même passé en Egypte à cette époque? Quelles étaient les relations des Egyptiens avec les autorités britanniques? L'Égypte était-elle intéressée à avoir une relation honnête avec ses dirigeants britanniques? Il est clair que le gouverneur britannique voit les choses de son point de vue ( il s'intéresse aux citoyens obéissants et ouverts d'esprit), mais les remarques de Cromer ont-elles quelque chose sur quoi s'appuyer? Saïd n'en dit rien.

La réalité du Moyen-Orient ne l'intéresse pas du tout - seules ses images l'intéressent. Dans l'introduction du livre, il écrit que s'il y avait une réalité qui pouvait ostensiblement être comparée à une image, il la «passerait dessus en silence». A première vue, c'est une décision idéologique, mais il faut se rappeler que Saïd, un spécialiste de la littérature anglaise, dont le contrôle des textes arabes est très limité, n'en savait pas trop sur le Moyen-Orient, certainement beaucoup moins que les «Orientalistes» qu' il condamne. Ainsi, il analyse au scalpel toute expression, représentation ou analyse de l'Orient en Occident, selon un seul critère: à quel point il est «insultant». Selon lui, la plupart des représentations de l'Orient en Occident sont déformées et malveillantes par leur nature même. Cette déconnexion entre réalité et image a créé toute une tradition de recherche qui ne s'intéresse qu'aux images et ne se soucie pas d'examiner à quel point elles reflètent la réalité. Il n'est pas toujours facile de vérifier ce qu'était la «réalité» et les représentations de la «réalité» sont toujours biaisées à un degré ou à un autre. Mais le mépris total du représenté est peut-être le parti pris le plus grave de tous.

Dans la tradition de la littérature «postcoloniale» basée sur Saïd, le terme «orientaliste» est devenu un terme péjoratif qui n'a pas besoin d'être expliqué. Tout chercheur occidental qui s'occupe de l'Orient, qui a précédé Said ou n'accepte pas les prémisses du post-colonialisme, n'est pas un historien mais un «orientaliste». Il n'est pas nécessaire de tester ses affirmations à la lettre. Il a besoin d'être «analysé», car c'est un miroir déformé par définition. Sans surprise, Saïd et ses successeurs en Occident, qui étudient également le Moyen-Orient, ne sont jamais définis comme des «orientalistes». Ce sont des érudits, des personnalités littéraires, des spécialistes de la culture, des historiens, des «intellectuels radicaux». Celui qui s'écarte du bon exemple moral-politique cesse d'être un savant précieux et devient un «orientaliste» - ceux qui n'ont pas besoin d'être écoutés. Cette tradition de silence et de peur, créée par les postcolonialistes à la suite de l' orientalisme , est l'héritage le plus important d'Edward Saïd - et elle doit être démantelée, brique par brique.

Une autre chose particulièrement frappante c'est le deux poids deux mesures de Saïd et de ces disciples. Tout ce que disent les occidentaux doit être déconstruit mais par contre ce que disent les colonisés (en réalité, il s'agit surtout des militants décoloniaux), c'est forcément une vérité absolue (sauf bien sûr, si cela va à l'encontre de ce que pensent les post coloniaux). Ils ont une vision manichéenne digne d'un enfant de 6 ans. Saïd a prétendu que les universitaires occidentaux étaient biaisés contre le monde arabe et islamique et que les universitaires étudiant le Moyen Orient devraient être des arabes eux mêmes. Mais lui même, il n'a eu aucun problème à parler de l'histoire des juifs et d'Israel ainsi que du sionisme alors qu'il était clair qu'il avait un grave parti pris. Si nous suivons sa propre logique selon laquelle toute déclaration critique sur «l'autre» est raciste, Saïd est un antisémite et un raciste anti occidental.  Au final, Saïd était un nationaliste arabe avec une mentalité profondément tribale. Il exigeait de l'Occident qu'il accorde un traitement préférentiel aux arabes. Selon lui, les occidentaux ne devraient pas avoir le droit de critiquer les arabes ou les musulmans mais les arabes eux peuvent critiquer l'Occident ou Israël. Si Saïd était cohérent, les israéliens et les occidentaux pourrait obliger les arabes à ne pas s'exprimer sur Israël et l'Occident. De quel droit Saïd et ses disciples se permettent de parler de l'histoire européenne ou américaine tout en exigeant d'obtenir un monopole sur l'histoire des pays arabes et de l'islam ? Bref, accuser les autres d'être gouverné par leurs stéréotypes quand on est soi même incapable de faire preuve de pensée critique vis à vis de ces propres stéréotypes c'est d'une hypocrisie sans nom. Chez Saïd et ces partisans, les stéréotypes sont mauvais...que quand cela les arrange. En réalité, ils considèrent que tout ce qui va à l'encontre de ce qu'ils pensent c'est un stéréotype raciste. Ils exigent que les autres combattent leurs stéréotypes pour que ces gens acceptent leurs propres stéréotypes comme vérité absolue et incontestable. 

Le principal problème de "l'orientalisme" est son incohérence. Said soutient qu'un Occidental ne peut pas comprendre l'Orient (à moins qu'il ne s'y identifie politiquement), alors qu'il enseigne lui-même l'anglais dans une université américaine ; Il accuse l'Occident d'une attitude essentialiste à l'égard de l'Orient, mais lui-même applique la même attitude à l'Occident ; Il rejette les opposants sur la base du fait qu'ils "insultent" l'Orient, mais lui-même (et ses partisans) n'ont pas hésité à généraliser de manière insultante à l'égard de l'Occident (sans parler d'Israël). Ils insultent le sionisme, l'Occident, Israel mais là il n'y a pas de problème.

Quiconque lit, par exemple, les carnets de voyage de voyageurs et d'érudits musulmans dans l'Inde médiévale, ou de musulmans venus en Europe, voit la condescendance culturelle pas si différente de celle de certains voyageurs occidentaux qui sont venus au Moyen-Orient au XIXe siècle : même sentiment de supériorité religieuse et culturelle, curiosité mêlée de mépris. Mais au lieu de réaliser que les sentiments d'arrogance font partie d'un large éventail de phénomènes qui se produisent lorsqu'une culture en rencontre une autre, Saïd l'a établi comme une pratique de «l'Occident» contre l'Orient.

Saïd, par son ignorance, n'était pas vraiment en mesure de critiquer ou de corriger l'érudition orientaliste sur des erreurs factuelles ou interprétatives spécifiques, et il a donc eu recours à la critique du domaine en tant que discoursC'est-à-dire qu'il s'appuyait sur des arguments conséquentialistes tels que : l'intérêt scientifique pour l'Orient s'est développé en même temps que l'intérêt colonial pour l'Orient, donc l'un a causé l'autre et toute l'érudition est donc entachée ou simplement une expression ou un outil de pouvoir. (C'est l'argument qui a lancé un millier de thèses). Il s'appuie également très fortement sur l'astuce rhétorique par laquelle il qualifie toutes les tentatives de généralisation sur le Moyen-Orient d'"essentialistes". En réalité, toute affirmation énoncée en termes essentialistes peut très bien être vraie en tant que généralisation statistique. C'est le principe même des sciences sociales de dégager des tendances générales. Il est évident que certains individus ne feront pas parti de la norme décrite. (Notons que Saïd, lui même n'hésite pas à essentialiser les occidentaux. Il se montre totalement incohérent)

Il était également coupable d'un autre péché majeur qui afflige les universitaires de littérature anglaise qui ressentent un engagement politique brûlant à écrire sur un sujet social ou politique mais en basant ses recherches principalement sur des œuvres littéraires qu'ils sont déjà enclins à lire de toute façon. Ainsi, le livre de Saïd regorge de discussions sur Flaubert, Nerval, Hugo, Byron, Goethe, Conrad, Kipling et un grand nombre d'auteurs majeurs du XIXe siècle (tout en faisant remonter l'origine de «l'orientalisme» jusqu'aux Perses d'Eschyle!), mais Saïd ne plonge jamais vraiment dans les mauvaises herbes de l'érudition orientaliste réelle (parce que bien sûr,  pour un universitaire en littérature c'est une tâche bien plus ardue). Il ne trace pas non plus de lien entre ces représentations littéraires de l'Orient et leur prétendue utilisation comme justifications de l'impérialisme, ou comme sources de stéréotypes nuisibles sur les Arabes et les musulmans. (Cela nécessiterait de véritables recherches d'archives, un respect plus rigoureux de la chronologie et d'autres scrupules académiques ennuyeux auxquels la littérature anglaise n'a jamais souscrite).

Il y a déjà suffisamment de démontages de Said, il n'est donc pas nécessaire de répéter tous leurs arguments ici. Mais il convient de souligner que le livre de Saïd continue d'être lu et assigné à des programmes car il propose essentiellement un excellent schéma pour tout étudiant diplômé en littérature anglaise qui souhaite : 1. Éviter les recherches originales ; 2. Eviter de se consacrer à un sujet trop intimidant à maîtriser ; 3. Faire avancer sa carrière en insinuant que les doyens existants du domaine ont une approche invalide et désuète et qu'ils sont des racistes conscients ou involontaires ; 4. Vengeance pour un grief ethnique qui n'a qu'une relation très tangentielle avec le sujet d'étude (dans le cas de Saïd, c'était le conflit israélo-palestinien). Et bien sûr, le modèle de Said a imprégné l'étude académique de nombreuses autres régions au-delà du Moyen-Orient: Asie de l'Est, Inde,...

La stupidité de Said c'est de réduire toute théorie à un scénario émotionnel du bien absolu contre le mal absolu. Toute réalité est réduite à un modèle d'oppresseurs et d'opprimés absolus. Tous les autres aspects de la réalité, ceux qui ne s'alignent pas sur la théorie [les préoccupations de sécurité par exemple] sont des excuses, des distractions, des conspirations de pouvoir ou des traumatismes mentaux qui déforment la perception de la réalité. Une telle stupidité ne peut pas relever les défis pratiques, les peurs établies et les difficultés universelles de communication entre différentes cultures. Un autre aspect particulièrement bête de Saïd est la personnalisation. Même s'il est juste de critiquer l'industrie hollywoodienne pour ne pas montrer suffisamment de héros afro-américains (en réalité, c'est surtout les latinos qui sont sous représentés mais c'est un autre sujet), il serait stupide d'accuser un film américain spécifique pour ne pas avoir suffisamment de noirs dans le film (sauf bien sûr, s'il y a des indications que le réalisateur dudit film est raciste).  De la même manière, il est juste de désigner certains groupes sociaux, disons les juifs  Ashkénazes, comme étant statistiquement dans une position privilégiée, autant il est problématique, d'un point de vue moral et empirique, d'en venir à accuser toute personne étant ashkénaze d'être privilégié. Le simple fait qu'une personne soit ashkénaze n'est pas une preuve qu'elle est privilégiéPremièrement, sans connaissance préalable de cette personne, cela peut être un non-sens complet quand on regarde le statut de la personne dans la société avec toutes sortes de paramètres (niveau socio économique,...). Deuxièmement, imposer le fardeau de la structure sociale problématique à une personne spécifique, d'une manière qui confond évidemment l'ambiance de culpabilité et l'état d'esprit de l'analyse sociale froide, n'est pas une ligne de conduite optimale. Pour rappel, Saïd a déclaré: "Il est donc exact que chaque Européen, dans ce qu'il pouvait dire sur l'Orient, était par conséquent un raciste, un impérialiste et presque totalement ethnocentrique."

 Saïd pratiquait allégrement cette personnalisation. Comme certains pays occidentaux ont pratiqué la colonisation, tout occidental est responsable de cette colonisation (même ceux qui n'ont rien à voir avec la colonisation). Le simple fait d'être occidental est une preuve de culpabilité selon Saïd et ses partisans. (Il est marrant de voir à quel point ces gens oublient que la majorité des pays européens n'ont pas eu des colonies. Ils considèrent ces pays comme quand même responsable de la colonisation des autres pays européens. Selon leur logique, un pays comme la Grèce qui a été colonisé par l'Empire Ottoman et n'a jamais eu de colonies en tant que pays européen est quand même responsable de la colonisation). Tout américain est responsable de ce qu'a fait Bush au Moyen Orient. Même ceux qui se sont opposés à la guerre d'Irak et qui n'ont jamais votés pour Bush. Honnêtement, cette mentalité est sidérante et juste totalement raciste. Car c'est bien de cela qu'il s'agit d'un profond racisme anti occidental. Personnellement, si je reconnais que la civilisation occidentale n'est pas parfaite, j'exige que l'on juge les autres civilisations de la même manière.  Car les partisans de Saïd adorent parler des défauts de la civilisation occidentale (souvent, ils en inventent même) mais bizarrement, ils refusent toute critique des autres civilisations. Les autres civilisations relèvent plus d'un fantasme chez l'extrême gauche occidentale. Ils voient l'autre comme dans le mythe du bon sauvage. Ils l'idéalisent dans le but d'attaquer la civilisation occidentale qu'ils détestent tant. Aujourd'hui, dans le monde anglosaxon, les départements des études moyen orientales sont dominés par des arabes (dont une bonne partie de palestiniens) qui ont obtenu leurs postes grâce aux délires de Saïd selon laquelle il fallait donner ces postes à des arabes. (Je ne parle même pas du fait que ces départements sont financés par certains pays du Golfe comme l'Arabie Saoudite et le Qatar). Bien évidemment, ces universitaires arabes ont tout intérêt à pratiquer la victimisation. C'est cela qui leur garantit d'obtenir des postes universitaires et d'obtenir un statut élevé dans la société occidentale progressiste. Ils refusent toute critique de la civilisation arabe mais sont profondément anti occidentaux. Personnellement, je n'ai pas peur de dire que si on compare objectivement la civilisation occidentale à la civilisation arabe, aussi critiquable que soi la civilisation occidentale, elle est bien meilleure que la civilisation arabe (meilleur traitement des minorités, est bien plus avancé scientifiquement et économiquement, démocratie libérale,...). 

Saïd est l'idiot utile du djihadisme et de l'islamisme: https://www.academia.edu/50961854/Orientalism_as_Caliphator_Cognitive_Warfare_Consequences_of_Edward_Sa%C3%AFds_Defense_of_the_Orient L'islamisme se nourrit de la pensée victimaire et anti occidentale de la gauche radicale. Les américains ont retrouvé un livre de Chomsky dans la planque de Ben Laden. 

L'affaire de l'article de Commentary en dit long sur Saïd et ses partisans. Cet article prouve de manière irréfutable que Saïd a menti sur son passé:  https://www.commentary.org/articles/justus-weiner/my-beautiful-old-house-and-other-fabrications-by-edward-said/ Pourtant, ses défenseurs ont violemment attaqué cette article en disant qu'il était malveillant et que l'auteur de l'article était partial. Sauf que cela ne change rien au fond: Saïd a menti sur son passé. Et aucun de ces défenseurs n'a présenté de réfutation sur le fond de cet article. Ils ont lancé de violentes attaques contre l'auteur de l'article. Pire, ils ont présenté Saïd comme la victime. Le pire c'est que Saïd lui même à la suite de cet article, a changé sa biographie dans ses mémoires, Out of Place (donnant raison à l'article de Commentary mais bien sûr, Saïd n'a jamais reconnu qu'il avait menti par le passé. Il a juste changé le récit de sa vie). Cette affaire en dit long sur le rapport qu'ont Saïd et ses défenseurs avec la vérité. Elle leur importe peu. Mentir c'est une chose mais refuser d'admettre que l'on a menti malgré les preuves écrasantes c'est une autre chose. Le plus grand problème n'est pas tant le mensonge en soi mais l'incapacité de Said et de ses partisans d'admettre qu'il a menti. L'incapacité de Said à admettre son tort et à s'excuser est très représentatif du personnage. Même encore aujourd'hui, les défenseurs de Saïd continuent de présenter Saïd comme une victime dans l'affaire de l'article de Commentary (voir Places of Mind de Timothy Brennan qui est un apôtre de Said). La meilleure formule pour décrire Saïd: c'est un réfugié de la vérité: https://jcpa.org/jl/vp422.htm

Bernard Lewis a montré l'absurdité de la pensée de Saïd en utilisant une analogie hypothétique : Supposons qu'un groupe d'intellectuels grecs disent que le monde occidental a privé la Grèce en s'appropriant sa culture et en l'abandonnant politiquement. Par conséquent, ils exigent que désormais quiconque cherche à explorer la Grèce et sa culture soit tenu à l'avance de déclarer son soutien au gouvernement grec, de soutenir la position de la Grèce dans le conflit à Chypre et de haïr les Turcs. Evidemment, cette lecture aurait suscité du ressentiment - pourquoi subordonner tout d'un coup tout un champ de recherche (les études classiques), censé être un patrimoine humain universel, au profit d'un agenda nationaliste ?! Si oui, pourquoi une lecture similaire est-elle la bienvenue lorsqu'elle vient du Moyen-Orient ? L'un des problème de "l'orientalisme" est le problème de la non réfutation: après tout, quiconque conteste l'orientalisme devient nécessairement lui-même orientaliste ce qui prouve ainsi la théorie. 

Un problème qui caractérise généralement la pensée postmoderne c'est que ce groupe se concentre sur l'analyse stérile, bien que parfois - je l'avoue - mentalement stimulante, sur les représentations, les symboles, les préjugés, les interprétations, etc. Il ne traite jamais de l'essence parce qu'au fond (habituellement consciemment et parfois inconsciemment) il ne reconnaît pas son existence. Selon eux, il n'y a pas de réalité, pas de vérité, donc ils se concentrent toujours sur la personne et non sur ses idées, ses décisions ou ses actions. En fait, ces écrivains menacent (et ciblent parfois consciemment) tous les domaines de la connaissance humaine.

Le cas Edward Saïd soulève un autre problème: cette industrie absurde est rejointe par une culture non occidentale, qui ne considère pas la recherche académique, la vérité ou l'équité comme des valeurs en soi mais comme des instruments. Lorsque ces deux-là se rejoignent, les connexions deviennent particulièrement mauvaises et dangereuse. La vérité, l'équité, la raison et l'opinion sont des valeurs fondamentales, voire des valeurs constitutives de la culture occidentale (pour autant qu'on puisse parler d'une culture occidentale unifiée). Ainsi, par exemple, il est difficile d'affirmer que ce ne sont pas les valeurs fondamentales en Grande-Bretagne de John Stuart Mill ou d'Edward Cook. En revanche il est tout à fait clair qu'elles n'ont pas été élevées à un tel rang dans la Russie stalinienne ou dans la Palestine arabe. Plus important encore, ce sont certainement les valeurs fondatrices des milieux académiques occidentaux aujourd'hui mais elles sont menacés par la gauche radicale occidentale qui veut détruire l'Occident. Le monde arabe, par sa culture de l'honneur accorde bien moins d'importance à la vérité que la civilisation occidentale. Les militants de gauche radicale veulent changer la culture universitaire occidentale pour soumettre le monde universitaire à leur idéologie. Or, si vous faites entrer dans le monde universitaire occidentale, des universitaires arabes qui n'ont pas cette culture de la vérité cela ne peut que nuire au monde universitaire. (Attention, je ne prétends nullement que tout universitaire arabe n'a pas cette culture de vérité. Il y a des universitaires arabes qui se sont appropriés la culture occidentale de la vérité). Simplement quand vous regardez à l'échelle collectif, le remplacement d'universitaires occidentaux par des universitaires d'autres cultures où la vérité a moins d'importance peut avoir un grand impact sur la culture universitaire.

L'idée fondamentale que seuls les personnes appartenant au groupe concerné peut étudier l'histoire du groupe est vraiment délirante. Au contraire, avoir un regard extérieur peut être très utile. Un regard extérieur peut être bien plus neutre qu'un regard intérieur. Au final, ces gens (gender studies, african studies,....) créent des groupes fermés qui ne parlent que dans leurs "espaces de résonance" intérieurs et sont complètement détachés du monde qui les entoure, une sorte de chœur de râleurs grincheux qui n'essaient même pas de créer un dialogue. Un autre exemple: jusqu'à relativement récemment, la plupart des érudits du Talmud, étaient des juifs religieux. Ce n'est que récemment (relativement) que des non-juifs ont commencé à entrer sur le terrain, cela a provoqué des changements radicaux et fascinants dans la compréhension de l'histoire juive. Par exemple, pendant de nombreuses années, l'hypothèse naturelle des érudits religieux étaient que les rabbins mentionnés dans le Talmud étaient les "grands hommes de la génération" et les "chefs du peuple" de cette époque. Ce n'est que lorsque des érudits non juifs ou non religieux sont entrés sur le terrain qu'ils ont commencé à examiner les découvertes archéologiques des murs de la synagogue (par exemple) et ont constaté que des rabbins qui n'apparaissent pas dans la Guemara sont mentionnés à maintes reprises, tandis que certains rabbins qui apparaissent dans la Guemara ne sont pas mentionnés. Ils en ont conclu que la Guemara était loin d'être la seule et même la plus fiable source sur l'histoire du peuple d'Israël à cette époque.


samedi 27 février 2021

Russell Kirk: l'illusion des droits de l'homme

 

Russell Kirk, 1987
"Il y a quelque chose d'encore plus important que les libertés civiles: la survie des gouvernements légitimes."

Certains disent que les droits de l'homme ne sont pas pleinement garantis au Salvador. D'autres ont découvert, tardivement, que les droits de l'homme ne sont pas pleinement garantis au Cambodge. Notre gouvernement national s'engage dans un curieux calcul moral lorsqu'il essaie de peser les différents mérites et inconvénients des régimes en Ouganda, à Grenade, au Chili et en Yougoslavie - sans parler de l'Union soviétique et de la Chine communiste.

Selon quelles normes les «droits de l'homme» devraient-ils être mesurés? Qu'entend-on en fait par cette expression controversée de «droits de l'homme»? Je vous propose quelques réflexions à ce sujet.

L'expression «droits de l'homme» est apparue pour la première fois dans la politique américaine, je crois, lorsque le président Woodrow Wilson s'est opposé aux «droits de propriété». Le président Franklin Roosevelt s'est également opposé aux droits de l'homme contre les droits de propriété. Le président Jimmy Carter a probablement pensé utiliser ce terme sous l'influence de ses prédécesseurs, lorsqu'il a mis en place un appareil bureaucratique pour juger les nations, censurant les États subordonnés pour n'avoir pas atteint la perfection des droits de l'homme dont jouissaient les États-Unis d'Amérique.

Depuis le début, le parfum de la démagogie a imprégné l'utilisation politique du langage des «droits de l'homme». Car tous les droits sont des droits de l'homme. Quelqu'un suggère-t-il un code de droits inhumains? Les chiens et les chats ne jouissent pas de droits. Les États n'ont aucun droit (malgré les arguments constitutionnels); les États jouissent de pouvoirs. Dieu est au-dessus des droits et l'humanité ne peut revendiquer des droits contre Dieu.

La propriété n'a aucun droit, elle est inanimée et non humaine. Les êtres humains, en revanche, ont des droits sur leur propriété légale. Le droit de conserver des biens immobiliers et personnels est l'un des droits civils les plus importants; le critique Paul Elmer More a déclaré qu'en matière de civilisation, le droit à la propriété est plus important que le droit à la vie. Le président Wilson, bien au fait de la théorie politique et de l'histoire, aurait dû être conscient de sa fausseté en opposant «droits de propriété» aux «droits de l'homme». Le président Franklin Roosevelt aurait pu alléguer l'ignorance s'il avait été accusé de cet abus de termes.

Je suggère, vous vous en rendrez compte, qu'un terme aussi vague que « droits de l'homme » peut facilement être déformé en faveur des politiciens; et qu'il peut être dangereux de l'utiliser. Néanmoins, derrière ce terme faible, il y a de vieilles vérités et de vieilles erreurs.

Lorsque les politiciens et les annonceurs saluent les «droits de l'homme», à quels concepts font-ils référence? Il y a probablement au fond de leur esprit - en supposant qu'ils sont réfléchis - le concept de «loi naturelle » , ou le concept de « droits civils » , ou les deux.

Ces deux termes peuvent être définis beaucoup plus facilement que "droits de l'homme". Pourtant, aujourd'hui, le label «droits de l'homme» est en vogue. Il est incorporé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies . Il apparaît même dans les traductions de documents émis par le Vatican. Et, bien sûr, il est aimé des médias de masse.

Pouvons-nous extraire n'importe quelle substance derrière l'étiquette? L'hypothèse qui sous-tend les « droits de l'homme » semble être la suivante: de la nature de l'homme découlent certaines immunités personnelles que tous les gouvernements et tous ceux qui sont au pouvoir devraient respecter. Telle est la doctrine de la loi naturelle, telle que nous la trouvons chez Cicéron et les scolastiques. A cette vision jusnaturaliste, conférant certaines immunités contre le fonctionnement du pouvoir, le concept de dignité humaine est lié - une croyance aux origines mixtes chrétienne et classique. La notion de «droits de l'homme» étant fondée sur les doctrines du droit naturel et de la dignité humaine, elle peut revendiquer une origine vénérable. Certains mots de définition peuvent être utiles ici.

Ce terme juridique et politique, loi naturelle , peut être défini comme un ensemble de règles d'action vaguement imbriquées, prescrites par une autorité supérieure à l'État. Ces règles sont supposées dériver du commandement divin, de la nature de l'homme ou de l'expérience humaine en général sur des milliers d'années. A partir d'Aristote, en passant par Cicéron et les jurisconsultes romains, une continuation de la croyance en la loi naturelle a fait partie de ce que nous appelons «l'Occident». Après le triomphe de la foi chrétienne, cette doctrine jusnaturaliste s'est mêlée à la morale chrétienne et à la pensée sociale. Il a été exposé avec une vigueur particulière par São Tomás de Aquino.

Comme l'a écrit Sir Ernest Barker à propos de la loi naturelle, «Cette justice est conçue comme étant la loi supérieure ou ultime, procédant de la nature de l'univers - de l'Être de Dieu et de la raison de l'homme. Il s'ensuit que la loi - au sens de la loi de dernier recours - est en quelque sorte au-dessus du processus législatif ».

La difficulté de définir de près le droit naturel et de trouver des sanctions claires pour l'invoquer implique nécessairement la doctrine du droit naturel dans les controverses. Mais il reste aux États-Unis et dans certains autres pays un attachement populaire à la croyance en la loi naturelle qui est toujours vrai.

En substance, comme le note AP d'Entreves , la doctrine de la loi naturelle est «une affirmation que la loi fait partie de l'éthique». Ainsi, lorsque beaucoup de gens se réfèrent aux «droits de l'homme», ils ont à l'esprit, vaguement du moins, la doctrine du droit naturel: la conviction qu'un être humain a droit à un certain traitement parce que, de par sa nature même, il est quelque chose. mieux qu'une bête.

Cette compréhension est étroitement liée à ce que Pico della Mirandola appelait, il y a cinq siècles, «la dignité de l'homme»: l'aspiration des humanistes, pour une discipline de raison et de volonté, à rendre l'homme peu inférieur aux anges. Bref, le politicien qui utilise l'expression «droits de l'homme» évoque dans une certaine mesure, dans la compréhension populaire, des esprits ancestraux; il évoque à la fois le modèle médiéval de l'homme et le modèle de l'homme de la Renaissance, même si ni le politique ni son auditeur ne sont conscients de la magie. Des présences fantomatiques, des croyances ravivées semblent justifier cet enchantement des « droits de l'homme » .

Puis, en novembre 1983, s'adressant à l'Assemblée nationale de Corée du Sud, le président Ronald Reagan a déclaré: " Les États-Unis se félicitent des objectifs que vous vous êtes fixés pour le développement politique et pour encourager le respect des droits de l'homme." Les présidents démocrates ont introduit les  « droits de l'homme » dans notre discours politique; un président républicain accepte désormais l'expression comme un jargon politique conventionnel. Par ce terme, je suppose, le président Reagan a voulu parler de « libertés civiles » .

Et quand beaucoup d'autres personnes entendent les mots «droits de l'homme», ils les prennent comme synonyme de «droits civils» ou de «libertés civiles». Ainsi, l'attachement américain aux concepts de loi naturelle et de dignité humaine est lié à l'accent américain sur les libertés civiles; et ces deux prédilections, fusionnées, semblent donner corps à la doctrine amorphe des « droits de l'homme » .

Cependant, la notion de « droits de l'homme » ne découle pas de l'enseignement du droit naturel qui s'étend d'Aristote à Burke; les «droits de l'homme» ne sont pas non plus synonymes de libertés civiles. Il y a quelques instants, j'ai essayé de définir brièvement le concept de loi naturelle; maintenant, permettez-moi de dire quelque chose sur les droits civils.

Un « droit civil » est une garantie que le citoyen est protégé contre certaines actions que l'État pourrait autrement prendre au détriment du citoyen. Ces droits sont communément déclarés négatifs - que les troupes ne devraient pas être installées dans des maisons privées, par exemple, ou que les punitions ne devraient pas être cruelles ou inhabituelles. Il est entendu que les droits civils comportent les devoirs civils correspondants, dont le plus important est le devoir de maintenir la suprématie de la loi dont découlent ces droits.

L'étendue et l'exercice des droits civils varient considérablement d'une culture ou d'une communauté politique à l'autre - parce que les «droits civils» sont le produit de l'expérience historique de certains peuples. Il n'y a jamais eu de code universel des libertés civiles.

Le droit d'être jugé par le jury, par exemple, si ardemment assuré en Grande-Bretagne et aux États-Unis, n'a jamais prévalu en France. Cela ne veut pas dire que les «droits de l'homme» sont réprimés par les Français. Sinon, cela suggère que l'ordre, la liberté et la justice sont atteints de différentes manières selon les lieux et à des moments différents.

Les libertés civiles existent à la fois en common law («common law») et en droit romain («civil law»), mais le caractère particulier de ces droits varie d'un système politique à l'autre. Imposer une norme américaine de droits civils à une société d'origines très différentes - à un État musulman, par exemple - renverserait l'ancienne norme de justice sans fixer effectivement les normes américaines.

Pour résumer mes définitions, la loi naturelle est une théorie de la justice, dérivée de convictions religieuses ou quasi-religieuses sur la nature de l'homme; tandis que les libertés civiles sont des immunités pratiques en droit, dérivées du développement politique d'une nation sur une longue période. Superficiellement, l'illusion des « droits de l'homme » du XXe siècle peut sembler être la fille de ces vénérables parents. Mais en réalité, la notion de « droits de l'homme »  est une idée bâtarde nouveau-née. Son père était la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, que le gouvernement des États-Unis d'Amérique a refusé de signer. Votre grand-père était la Déclaration des droits de l'homme, promulguée par les révolutionnaires français et Tom Paine - et également rejetée, à son époque, par le gouvernement américain. Les amis de la loi naturelle et des libertés civiles américaines seraient insensés s'ils permettaient que cette notion illégitime de « droits» universels imprescriptibles leur soit imposée. Le morveux pourrait causer sa ruine.

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Les droits ne peuvent être créés que s'ils découlent d'un ensemble de lois. Les abstractions que nous appelons « droits de l'homme» n'ont aucune sanction sur le droit positif de la plupart des pays; la Déclaration universelle des droits de l'homme peut recevoir le consentement formel de plusieurs gouvernements, mais nulle part cette Déclaration n'est observée et appliquée. Quelle loi positive fait appel aux opprimés au Cambodge ou en Ouganda? Aucun, en fait. Dans de tels domaines, le seul appel est aux lois de la nature - c'est-à-dire à une justice plus qu'humaine. Et les oligarques sordides qui président à l'anarchie au Cambodge et en Ouganda sourient aux fondements de la loi naturelle. «Payez les soldats», comme dit Septime Sévère ; " Le reste n'a pas d'importance".

Les «droits» sont des immunités, des garanties que certaines choses ne peuvent être faites à une personne contre sa volonté. Les droits ne peuvent être garantis que dans un ordre social civil. Dans un état d'anarchie, personne n'a de droits, car il n'y a pas d'autorité juste à laquelle une personne peut faire appel contre la violation des droits. Par conséquent, ce que nous appelons l'État, ou communauté politique organisée, est nécessaire à la réalisation de tout droit.

Cependant, le gouvernement de n'importe quel État peut devenir oppressif. Vous pouvez ignorer ou pratiquement supprimer les droits des minorités ou de la majorité. Par conséquent, les droits permanents ne doivent pas être considérés comme de simples concessions d'un gouvernement particulier. Les vrais droits trouvent leur sanction soit dans une théorie de la nature humaine, soit dans des coutumes établies il y a longtemps chez un peuple. La première de ces sanctions est ce que nous appelons la loi naturelle; ce dernier, ce que nous appelons les droits civils.

Nous devons être prudents en supposant que tous les avantages sociaux civils dont bénéficient actuellement les citoyens des États-Unis sont des droits «naturels», universellement applicables. Nous ne devons pas non plus supposer que les libertés civiles dans notre propre pays peuvent être exportées vers des cultures de différents pays. Il serait inhumain pour nous de devenir des idéologues fanatiques, exigeant une norme universelle sans compromis des «droits de l'homme » .

Dans la discussion actuelle et confuse des droits de l'homme en Amérique et à l'étranger, nous devons rappeler une observation de Dostoïevski dans The Demons . Ceux qui commencent par une liberté illimitée, dit Dostoïevski, doivent finir par un despotisme illimité.

Tout ce que les hommes et les femmes désirent n'est pas leur droit. Puisque la politique est l'art du possible, les droits n'existent pas de manière illimitée, dans l'abstrait. Chaque droit est limité par un devoir correspondant; et ceux qui revendiquent le droit à tout découvrent bientôt qu'ils n'ont droit à rien.

À la fin du XVIIIe siècle, Edmund Burke , en réponse aux révolutionnaires français, fait une distinction entre les droits «réels» et les droits «allégués» des êtres humains. [1] Burke était à la fois un défenseur de la loi naturelle et un défenseur des libertés civiles sous sa forme anglaise. Il a déclaré que la « doctrine militaire» (que nous appelons maintenant l'idéologie) détruisait les droits réels des hommes et des femmes, même lorsqu'elle proclamait les droits allégués, qui ne peuvent être obtenus.

Il existe certains droits réels inhérents à tous les êtres humains dans la société, a écrit Burke. Comme il l'avait soutenu dans son procès contre Warren Hastings, ces droits sont aussi valables en Inde qu'en Grande-Bretagne. «Si la société civile est faite au profit de l'homme», écrivait Burke en 1789, «tous les avantages pour lesquels elle est faite deviennent son droit. C'est un organisme de bienfaisance; et la loi elle-même est la bienfaisance agissant par la loi. Les hommes ont le droit de vivre selon cette loi; ils ont le droit d'obtenir justice, comme leurs compagnons, qu'ils soient dans la fonction publique ou dans une occupation commune. Ils ont droit aux fruits de leur industrie et aux moyens de faire fructifier leur industrie. Ils ont droit aux acquisitions de leurs parents; la nutrition et l'amélioration de leurs descendants; à l'instruction à la vie et à la consolation à la mort. Tout ce que chaque homme peut faire séparément, sans passer sur les autres, il a le droit de le faire pour lui-même; et il a droit à tout ce que la société, avec toutes ses combinaisons d'habileté et de force, peut faire en sa faveur ».

Burke a souligné que les hommes ont également le droit d'être limités par le gouvernement - c'est-à-dire le droit d'être sauvés des conséquences de leurs propres vices et passions, ce qui équivaut au droit de vivre sous la primauté du droit; le droit d'être protégé dans leur travail, leurs biens, leur héritage; le droit à l'instruction religieuse et à la consolation; le droit à l'égalité de traitement par l'État.

Pourtant, nous ne nous tournons pas préférentiellement vers ces affirmations générales et abstraites sur le droit, a poursuivi Burke. Au contraire, lorsqu'ils sont traités injustement, nous recourons d'abord à ce que Burke appelait «porter des droits» - c'est-à-dire les droits civils de notre pays, tels qu'exprimés dans les lettres, les constitutions, les statuts, les vieilles coutumes. Le droit statutaire et le droit commun, et non le droit naturel, sont les moyens habituels de garantir des droits définis.

Les appels à la loi naturelle ne sont notre recours qu'en période d'oppression extrême sans moyens de recours réguliers; parce que la loi naturelle n'est pas un code de règles applicable; c'est un ensemble de principes juridiques sur lesquels nous devons être guidés dans notre construction du droit positif.

Bien que les formes politiques et juridiques varient considérablement d'une nation à l'autre, dans chaque civilisation il y a encore une appréhension de la loi naturelle, dérivée d'une compréhension de la nature humaine. Tous les législateurs doivent garder à l'esprit les droits réels des êtres humains lorsqu'ils traitent des droits écrits de leur pays.

La compréhension de Burke des droits naturels et écrits n'a pas été largement négligée aux États-Unis. En effet, la pensée de Burke est entrée dans la Constitution et son interprétation, en particulier par le juge en chef John Marshall, qui a été fortement influencé par sa lecture de Burke. Cette affirmation américaine sous-jacente de la justice naturelle et des droits civils normatifs a donné aux États-Unis une saine tension entre les demandes d'ordre et les revendications de liberté. Dans notre politique interne, au moins, nous comprenons que la sécurité parfaite ne peut être atteinte, ni la liberté parfaite: nous devons nous équilibrer les uns les autres. De même, nous comprenons raisonnablement que chaque droit est associé à une responsabilité. Donc, derrière cela, l'étrange terme «droits de l'homme» a, dans l'opinion publique américaine, une certaine substance.

Mais le vingtième siècle est une époque tordue; Burke a prédit l'arrivée de notre temps troublé. Dans un pays après l'autre, l'idéologie totalitaire a dépassé à la fois la loi naturelle et les libertés civiles. Sans la puissance survivante des États-Unis, le reste de l'ordre, de la justice et de la liberté pourrait être englouti par l'idéologie du Léviathan.

Dans les affaires internationales, cependant, les États-Unis doivent se méfier de ce que Sir Herbert Butterfield appelle "droiture », une erreur fondamentale de la diplomatie - c'est-à-dire de la justice nationale. La République américaine n'a pas assez de vertu et de pouvoir pour propulser les notions américaines de «droits de l'homme» dans le monde. Même une affirmation massive de la puissance américaine, une croisade pour les "droits de l'homme", pourrait faire plus que restaurer. L'engagement de l'Amérique envers le Vietnam, la version des droits de l'homme du président Lyndon Johnson, a été une leçon salutaire à cet égard, sinon aucune autre. Ce n’est pas la mission des États-Unis d’établir universellement une quelconque imitation de l’ordre politique et économique américain. Chaque peuple doit trouver son propre chemin vers l'ordre, la justice et la liberté. Comme Daniel Boorstinécrit, la Constitution américaine n'est pas destinée à l'exportation. Il veut dire que notre Constitution est née de l'expérience historique particulière des Américains. Il en est de même de la constitution de tous les peuples. Nous ne devons pas nous attendre à ce que le modèle américain de tribunaux soit mis en place rapidement en Indonésie, par exemple; ou que le suffrage universel (que même les Suisses n'ont adopté que très récemment) est adopté du jour au lendemain en Afrique du Sud; ou que de grandes entreprises industrielles privées prospères apparaissent brusquement en Yougoslavie.

Une tentative d'imposer la norme américaine des droits à court terme, en plus d'être désespérément irréalisable, aurait des conséquences différentes de celles que la plupart des Américains souhaitent. Il est concevable que cette insistance forcée sur un programme total de « droits de l'homme», en ce moment, puisse faire triompher des idéologies totalitaires hostiles au droit naturel et positif. Il y a un dirigeant pire que King Log: il est King Stork. [deux]

Considérez comment la revendication induite par les «droits de l'homme» est devenue le principal instrument pour renverser le gouvernement Diem au Sud-Vietnam, ce gouvernement s'est engagé dans une lutte désespérée pour repousser l'agression des communistes du nord; simultanément, il a dû combattre des factions à l'intérieur de ses propres frontières - des partis et des sectes armés de ses propres forces armées. Malgré ces énormes difficultés, le gouvernement Diem était un ordre constitutionnel, soutenant une Assemblée nationale et organisant des élections aux postes législatifs et exécutifs. Cependant, la gauche a porté contre le gouvernement Diem l'accusation que le régime ne garantissait pas parfaitement les libertés civiles, les «droits de l'homme»; on a dit, un peu vaguement, que les bouddhistes étaient victimes de discrimination. Des personnalités dominantes des médias américains ont répété ces accusations jusqu'à ce que l'administration Kennedy abandonne Diem - et rende son assassinat possible. Quel triomphe pour les droits de l'homme! Désormais, à Saïgon, comme à Hanoï, règne une domination impitoyable des marxistes qui ont éliminé le dernier vestige des libertés civiles. La revendication d'une liberté illimitée s'est terminée par un despotisme illimité.

Le même processus peut être observé au Salvador. Même Henry Kissinger a exhorté le gouvernement assiégé de ce malheureux petit État - un gouvernement démocratiquement élu - à étendre ses "droits de l'homme" en temps de guerre civile, avec des ennemis mortels à quelques kilomètres de la capitale. Il y a quelque chose d'encore plus important que les libertés civiles: la survie des gouvernements légitimes. Je trouve curieux que les ennemis de l’État aient droit à la protection totale de leurs libertés par l’État même qu’ils entendent renverser. Pendant la guerre civile dans cette République, le président Abraham Lincoln n'a pas hésité à rejeter ce type de libéralisme désintégré: il a suspendu les mandats d' habeas corpus . Les constitutions ne sont pas des pactes de suicide.

Quelqu'un a-t-il pris la peine de demander aux fanatiques des «droits de l'homme» quelles conditions politiques et sociales peuvent être considérées comme une réalisation satisfaisante de l'idéal des «droits de l'homme»? Nous pouvons supposer que, à tout le moins, tous les articles de la Déclaration des droits d'Amérique devraient être observés et appliqués avec grand scrupule; que les gouvernements seraient dirigés par des partis «modérés» ou «intermédiaires» issus d'une distribution social-démocrate (partis presque inexistants dans la plupart des régions du monde); que la liberté d'expression parfaite, y compris les manifestations de rue des factions militantes, ne serait pas simplement garantie, mais encouragée; que les forces armées d'un pays seraient réduites au minimum si elles n'étaient pas complètement abolies; considérant que, bien entendu, les forces de police secrètes seraient interdites et que la police ordinaire serait dirigée par des comités de citoyens; que le suffrage universel prévaudrait, avec des élections fréquentes; qu'un État-providence offrirait à une large proportion de citoyens des droits généreux; que toute demande de droits plus abondants serait rapidement satisfaite. En effet, la vision du monde des «droits de l'homme» est une version moderne du libéralisme sentimental le plus avancé de l'Angleterre victorienne, associée à une dose considérable de socialisme.

Une difficulté majeure avec cette notion utopique de "droits de l'homme" triomphants est qu'une telle société, dans la plupart des régions du monde, serait renversée en très peu de temps par un gang idéologique ou autre - même si elle ne s'effondrait pas sous la sienne. poids. L'impérialisme soviétique accorderait peu d'attention à certains de ces pays; d'autres variétés de totalitarisme fanatique triompheraient ailleurs. Le rêve libéral a commencé à se transformer en cauchemar il y a un siècle. Le monde tordu dans lequel nous nous trouvons ne tolérera pas une philosophie politique de la cafétéria. Les choses seront comme elles seront; pourquoi devrions-nous essayer de nous tromper?

Et pourquoi devrions-nous nous attendre à ce que d'autres nations, sans nos traditions politiques et nos institutions sociales établies de longue date, ne soient pas dotées des ressources matérielles des États-Unis, pour réaliser ce qui est imparfaitement réalisé aux États-Unis? Est-ce que nous, Américains, jouissons du plein respect des «droits de l'homme»? Marcher dans les rues avec une sécurité raisonnable est la plus fondamentale des libertés civiles; cependant, des millions d'Américains n'osent pas sortir la nuit et certains osent à peine s'aventurer le jour. Vraisemblablement, la sécurité des enfants à l'école est un droit civil fondamental; mais dans chaque ville américaine, les étudiants sont battus quotidiennement et certains tués. N'avons-nous pas des revendications de droits non satisfaites? Docteur, guérissez-vous.

Je n'ai pas envie de débauche. Il est très souhaitable que le rétablissement de l’ordre, de la justice et de la liberté soit promu dans le monde entier; nous devons être reconnaissants, en cette période difficile, pour les petits compassions. Mais la politique internationale, comme la politique intérieure, est l'art du possible. Exiger que d'autres pays atteignent rapidement l'idéal libéral, c'est s'attendre à ce qu'ils ne peuvent pas réaliser; dans certains cas, on s'attend à ce qu'ils travaillent à leur propre destruction.

C'est aussi une demande souvent peu sincère, parfois hypocrite. Les États-Unis soutiennent, avec d'énormes prêts, le despote meurtrier qui dirige le Zaïre, car à tout moment il peut purger notre temps en Afrique; mais nos diplomates ne se soucient pas d'enquêter sérieusement sur leur application des «droits de l'homme». Notre Département d'Etat s'abstient vigoureusement de tout mot qui puisse troubler les seigneurs de Yougoslavie, où tout espoir de retrouver un certain degré de liberté civile a été détruit comme en Pologne; pour la Yougoslavie, c'est une sorte de rempart contre l'Union soviétique. Nous réservons nos sermons sur les droits de l'homme à ces alliés et États subordonnés comme s'ils ne pouvaient ou ne voulaient en aucun cas rompre avec les États-Unis.

Dans les affaires des nations, il ne peut en être autrement. Le but de la politique étrangère est de maintenir et de promouvoir l'intérêt national - et non de se lancer dans des croisades morales. Nous recherchons une alliance informelle avec la Chine communiste et, par conséquent, faisons de grandes concessions aux oligarques Peiping, au point même de soutenir que le gouvernement légitime du Cambodge est le régime féroce des Khmers rouges, désormais dirigé contre la Thaïlande - domination avec les pires «droits de l'homme». sont enregistrés dans ce 20e siècle inhumain - simplement parce que cette reconnaissance convient à la politique chinoise. C'est du réalisme en diplomatie. Ensuite, nous déchargons nos consciences en demandant à El Salvador d'être gentil avec les terroristes.

La politique étrangère, je le répète, n'est pas un exercice de moralisme. Nous avons aidé à convertir la Rhodésie au Zimbabwe, avec beaucoup de discussions chaleureuses sur les droits de l'homme adressées au gouvernement précédent, parce que l'Amérique a besoin des ressources minérales de ce pays; et nos hommes d'État ont calculé qu'il serait possible de distinguer la principale faction noire de l'influence soviétique. Aussi imparfaite que puisse être la réalisation des droits de l’homme en Rhodésie, la justice et la liberté civile s’éteignent au Zimbabwe. Je trouve déplaisant de couvrir l’intérêt national avec des phrases frappantes sur les droits de l’homme. Ce que nous recherchions vraiment, c'était du chrome - pas la création d'un havre pour les droits de l'homme au cœur de l'Afrique.

Tout ce qui est fait par l'exemple et la persuasion pour maintenir les principes élevés du droit naturel et de la liberté civile, nous devons le faire. Mais il ne faut pas se tromper en imaginant que le monde peut être racheté par jawboning [3] - encore moins par jawboning qui affaiblit et offense les gouvernements qui ne sont pas hostiles aux États-Unis. Et en 1987, on ne devrait pas parler de Newspeak . « Droits de l'homme» est un terme à la mode, souvent arrogant, facilement utilisé pour promouvoir des causes hostiles à l'ordre, à la justice et à la liberté authentiques. Ne soyons pas submergés par notre propre attaque verbale.


(J'ai trouvé ce texte sur ce site: https://contraosacademicos.com.br/blog/russell-kirk-a-ilusao-dos-direitos-humanos/ Je n'ai pas réussi à mettre la main sur le texte original. La traduction du portugais vers le français a été effectué par Google traduction en raison du fait que je ne parle pas couramment le portugais).